Frédéric Faure: lecture
Christofer Bjurström : piano, flûtes
J’ai essayé d’arriver à une poétique qui ne soit ni celle de la personne enfermée en elle-même, ni celle de la langue tournant autour d’elle-même, mais une poétique du monde où, quelles que soient les pistes suivies à travers les territoires, quelle que soit la pensée en jeu, la sensation première est toujours présente.
(Kenneth White, Petit Traité de littoralité.)
Les textes choisis pour cette lecture traverseront l’oeuvre poétique de Kenneth White, en lien avec le littoral. Cela commencera par des poèmes courts extrait de son recueil Terre de diamant (1977) et se poursuivra par des extraits de ce long poème manifeste qu’est Le Grand Rivage (1980).
Vous entendrez une prose poétique, tirée de son premier recueil en français En toute candeur (1964), évoquant les « collines matricielles » de son enfance, à Fairlie, un petit port de pêche de la côte ouest de l’Écosse, entre mer et lande.
Il y aura quelques allers-retours sur le rivage breton, une vision aérienne d’un delta en Colombie britannique, une incursion à Montréal, un coup de chaud aux îles Mascareignes…
Et nous conclurons le voyage par un autre voyage, celui que fit Kenneth White dans le nord du Japon, sur les traces du poète Basho, et dont il relate les étapes dans son ouvrage Les Cygnes sauvages (1990).
La poésie, telle que l’entend Kenneth White, est « à l’écoute du lieu ». Elle s’ancre dans le monde, sait le lire autant qu’elle le parle. Aussi désencombrée que possible, elle vise à donner « une sensation de monde ».
Cette conception exigeante de la poésie a trouvé sa traduction en terme de géopoétique : « une pensée qui s’est imposée, précise White, parce qu’il m’était toujours apparu que la poétique la plus riche venait d’un contact avec la terre, d’une plongée dans l’espace biosphérique, d’une tentative pour lire les lignes du monde ».
Pour cette lecture musicale, le parti-pris des interprètes est résolument celui du dépouillement, sans s’interdire une certaine expressivité, en résonance avec la musicalité propre du texte. Le dialogue entre le lecteur et le musicien s’improvise dans l’instant, fonctionne comme une respiration — notes et silences approfondissent les contours des paysages décrits.